Une double roue pour deux hauteurs de chute
Article rédigé par Aude Richard (Puissance Hydro #12 / avril – mai 2020)

Pour optimiser la production d’un groupe Pelton, Erema a créé, avec le Mhylab et le turbinier Desgranges, une turbine à double roue avec des diamètres différents. L’exploitant à également innové dans l’automatisme d’injection et ses vérins de commande.

Gagner 200 MWh/n, en diminuant le nombre de groupes, la puissance installée et la maintenance. Voici le defi relevé par Erema, concepteur et exploitant de la centrale rénovée de la Perrière, à Saint Hélène sur Isère, en Savoie.

Construite en 1968, la centrale initiale comptait 3 groupes Pelton à axe horizontale, de 1 100 (G1), 1 210 (G2) et 230 kW (G3) pour un total de 2 540 kW. Ils étaient alimentés par deux prises d’eau sur le Nant Bruyant et le Nant Ménard avec deux hauteurs de chute différentes, 384 et 298 m. Pour la rénovation réalisée en 2014 et 2015, Erema propose de remplacer les G1 et G3 par un nouveau groupe de 400 kW comprenant une double roue Pelton tout en conservant le G2, pour une puissance totale installée de seulement 1 610 kW. "Le G3 ne valorisait pas toute la ressource disponible et l’ancien G1 ne permettait pas de fonctionner avec des rendements corrects aux bas débits. Nous avons donc utilisé les deux prises d’eau ensemble pour alimenter le nouveau G1 et obtenir une production constante. Cela permet de n’avoir qu’un seul alternateur et beaucoup moins de maintenance", indique Nicolas DA SILVA, président d’EREMA et directeur des opérations.

Le nouveau G1 ayant obtenu le H07, il était donc prioritaire d’optimiser son nombre d’heures de marche et sa productivité. La production du G2 est vendue sur le marché.

Turbiner les faibles débits

Le nouveau G1 est donc composé de 2 roues fixées sur un même arbre horizontal, couplé à l’alternateur. Cette configuration, plutôt classique, permet de réduire son débit d’armement et de turbiner les faibles débits. En effet, en marche normale, la roue 1 alimentée par la prise d’eau Nant Bruyant est utilisée pour aller jusqu’au couplage. Ensuite les injecteurs de la roue 2 (Nant Ménard) sont ouverts et elle démarre sans qu’aucun débit d’armement ne soit nécessaire chaque l/s qui transite dans la turbine produit des kWh. Comme la prise d’eau secondaire bénéficie de l’entrainement de la prise d’eau principale, son seuil de démarrage est de seulement 5 kW. La productivité à bas débit est donc largement améliorée par rapport à l’état initial. Le groupe peut donc se coupler au réseau avec une roue seulement. "Tout est indépendant, tout est paramétrable. Lors d’une avarie de conduite, cela nous a permis de fonctionner seulement sur une seule roue le temps de réparer", ajoute Nicolas DA SILVA.

Une vitesse de rotation unique malgré la double chute

L’utilisation des deux prises d’eau à différentes altitudes est atypique. En effet, il fallait trouver une solution pour combiner les deux hauteurs de chute avec une seule vitesse de rotation, comme l’explique Dominique BOISSON, responsable études et développement à Erema. "Sur une Pelton double-roue, les deux roues, positionnées et assemblées sur un seul arbre, tournent à la même vitesse. Avec la différence de chute de 86 m, ce n’était pas traditionnellement possible. Nous avons alors joué sur le diamètre de chacune des roues (diamètre Pelton de 792 mm pour la roue à 2 jets, 690 mm pour la roue à 1 jet) pour obtenir une vitesse commune, égale à la vitesse de synchronisme de 1 000 tr/min pour l’alternateur". Les roues ont été mises au pont par le concepteur Mhylab et le turbinier Desgranges les a réalisées. La répartition des débits d’eau sur les roues doit également être performante. Les trois injecteurs d’adaptent méticuleusement à la ressource disponible. Pour cela, Erema a mis au point un système complexe d’algorithme d’automatismes pour améliorer le rendement et le chiffre d’affaires annuel. Ce dernier a augmenté de 11% entre 2015 et 2019, et pourrait atteindre +25% par rapport à la situation avant travaux, si l’hydrologie est favorable.

Grâce à cette rénovation innovante, d’un montant total d’1.7 M€, la production d’énergie passe de 5 200 à 5 400 MWh/an. Mais le gain provient du remplacement de 2 turbines et 2 génératrices en fin de vie par une seule turbine et un alternateur plus performant, ainsi que de la reprise complète des prises d’eau équipées de grille coanda.

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